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Je suis l'affranchi du Seigneur - Pierre du Moulin, fils (méditation)


Que la condition de l’âme fidèle est imparfaite dans ce monde ! Après m’être élevé à Dieu par les ailes de l’amour et de la foi, et avoir quitté le péché par la repentance, me voici encore réduit au déplaisir de sentir le péché autour de moi. Car quoi que je le quitte, il ne veut pas me quitter. Je l’ai condamné, mais je ne l’ai pas encore crucifié. Je le secoue, mais je ne puis lui faire lâcher prise.

Or grâce à Dieu, il n’a pas sur moi l’empire qu’il avait auparavant. Car Christ, qui m’a affranchi de l’enfer, a commencé déjà à me faire sentir cet affranchissement en coupant plusieurs des liens du péché, ce facteur de l’enfer qui nous endort, et puis nous lie pour nous livrer au Diable endormis et garottés. Les péchés qui tentaient mon désir maintenant émeuvent mon indignation, et je les trouve plus laids qu’ils ne m’ont jamais semblé attrayants. Et comme toutes choses aident ensemble en bien à ceux qui aiment Dieu, la souvenance de mon péché m’instruit à le haïr. Car tout bien compté, quel fruit m’est-il revenu d’avoir péché ? Qu’en ai-je rapporté que la honte ? Encore est-ce là le meilleur qui en revient. C’est bien pire quand le péché se fortifie d’impudence et d’endurcissement.

Quelle honte d’avoir assujetti ce rayon de la divinité que je porte en mon âme, aux choses qui sont si fort au dessous de moi, et combien plus au dessous de Dieu ? d’avoir assujetti l’esprit à la chair, et l’âme de nature immortelle au monde périssable ! Quelle honte d’avoir hazardé mon droit d’ainesse pour un potage de lentilles, et d’avoir plus respecté la saveur ou le déplaisir des hommes, que les yeux clairvoyants du Dieu tout-puissant, qui percent jusqu’au fond des coeurs, et qui prennent connaissance même de nos pensées ! Bref quelle honte d’avoir offensé Dieu, à moi qui suis créé à son image, racheté par le sang de son Fils, scellé par son Esprit, et chèrement préservé par sa providence !

Et que serais-je devenu si Dieu justement irrité m’eut abandonné à ma corruption naturelle, et à la vanité charmante de ce monde malin ? Car la fin de ces choses est la mort. Cette vanité est une enchanteresse qui nous flatte et puis nous précipite. C’est un courant qui emporte un gouffre. C’est une captivité qui aboutit à la mort, comme celle des rebelles pris en bataille, de qui l’on fait main basse. Voilà le fruit de la servitude du péché. Au lieu qu’étant affranchis de péché et devenus serviteurs de Dieu, nous avons notre fruit dans la sanctification, et pour fin la vie éternelle. Je m’assure dans la grande miséricorde de Dieu, qu’il m’a totalement affranchi de l’enfer et du péché en partie. Mais je perdrai la dernière et la meilleure partie de cet affranchissement, et enfin la première, si je tourne ma liberté en libertinage. Car Christ ne m’a pas affranchi de le servitude de Satan afin que je n’eusse point de Maître. Mais étant affranchi du péché, je suis devenu esclave de la justice (Rom 6.18).

Dans les lieux où les esclaves se vendent, qui achètera jamais un serviteur pour n’en avoir point de service ? Et Dieu, qui est aussi sage qu’il est bon, ne tirerait-il point de service de ceux qu’il a achetés par le sang de son Fils, et affranchis par son Esprit ? Oui, je suis l’affranchi du Seigneur et son serviteur tout ensemble, et pourtant son serviteur, parce que je suis son affranchi, car c’est pour le servir que je suis affranchi du péché. D’autre part aussi je suis affranchi parce que je suis son serviteur, car la souveraine liberté de sa créature consiste à le servir ; et celui seul qui le sert règne véritablement, étant Maître chez soi, et commandant de par Dieu à ses désirs et à ses affections. Au lieu que celui qui ne s’assujetti pas à Dieu est assujetti au péché, et est misérablement réprimandé par ses passions déréglées, qui exercent dans son âme une tyrannie tumultueuse, comme une multitude de tyrans violents et querelleurs en une petite république.

Alors donc, mon âme, travaillons à accomplir l’affranchissement que Dieu a déjà avancé en nous par son bon Esprit. Rompons ces liens du péché qui restent, et qui ne nous attachent encore que trop au monde et à la chair. Tenons-nous ferme dans la liberté de laquelle Christ nous a affranchis, et ne soyons plus retenus du joug de servitude (Gal 5.1). Considérons bien, mon âme, quel fruit et quelle fin la parole de Dieu propose à cet affranchissement spirituel, le fruit est la sanctification, et la fin la vie éternelle ; et tenons cet ordre pour inviolable. N’espérons point de parvenir à cette heureuse fin qui est la vie éternelle, sans porter auparavant le fruit de sanctification.

Et c’est avec grande raison que la sanctification est appelée un fruit, puisqu’elle nourrit la foi qui est notre vie spirituelle, et qu’elle la fait devenir éternelle. Si je suis sanctifié, tout le fruit en revient à moi-même. Et quel plus grand fruit peut concevoir l’âme fidèle, que de plaire à celui qui l’a tant aimé, Dieu par sa bonté prendra le soin de me donner la vie éternelle ; mais le soin que je dois prendre, c’est de cheminer dignement comme il est séant selon le Seigneur, en lui plaisant entièrement, fructifiant à toute bonne oeuvre, et croissant dans la connaissance de Dieu (Col 1.10). Mais afin que je fructifie à toute bonne oeuvre, j’ai besoin qu’il m’y assiste. Et je veux humblement l’en requérir.

Pierre du Moulin, fils

Semaine de méditations et de prières.
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